Les dépossédés, Christophe Guilluy, Flammarion, 2022
Le livre en quelques mots : Près de dix ans après son essai La France périphérique, Christophe Guilluy publie une nouvelle réflexion sur la place laissée aux classes populaires dans la société française d’aujourd’hui. « Les dépossédés », comme il les appelle, sont une « majorité ordinaire » issue de l’éclatement de la classe moyenne occidentale et privée dès les années 1980 de son travail, de son intégration sociale et culturelle, son identité ou même son lieu de résidence. Les responsables de cette dépossession ? Une élite « bobo-progressiste » qui se veut inclusive mais a délaissé le social pour le sociétal, selon l’auteur. Pour Christophe Guilluy, cette élite n’assume pas les conséquences de son mode de vie sur cette majorité ordinaire.
Chassée par l’élite de métropoles comme Bordeaux, absente des discours des marques comme des discours politiques, cette majorité ordinaire joue, selon l’essayiste, sa survie. Elle alimente des contestations sociales d’un genre nouveau, comme le mouvement des Gilets Jaunes.
Ce que ce livre dit du récit
Christophe Guilluy affirme que les dépossédés ont été effacés du récit que les élites font de la société française et du monde. Partant du constat que « toutes les nations, tous les peuples se sont construits sur des histoires et des mythes », il estime que les classes dominantes ont non seulement accepté l’invisibilisation des classes populaires dans les lieux de vie, mais aussi dans les discours politiques et médiatiques. « Dans chacun de ces récits, il s’agira de lire la société avec les lunettes déformantes d’une bourgeoisie acquise au modèle libéral inégalitaire. Tous les segments culturels de la société morcelée sont mis en avant, sauf les classes populaires traditionnelles ». Comment, dès lors, redonner une place à cette majorité ordinaire dans le récit des entreprises et le récit national ?
Notre avis
Assumant son parti-pris, notamment dans sa critique des élites, l’ouvrage de Chistophe Guilluy offre des clés pour comprendre des tendances de fond qui structurent notre époque, comme dans ce chapitre où l’auteur analyse les difficultés d’accès au logement des populations populaires, à l’heure où les classes aisées multiplient les achats de résidences secondaires.
Irène Dedeyan